Fonctionnement hebdomadaire de l'atelier : Odile Collin, assistée de Michèle Perrachon.
Autres intervenants sur le spectacle : Pascale Montagnon & Hubert Payan.
(NB : La loi interdit désormais de communiquer les noms des patients participants)
Régie : Jean-Louis Berger.
Merci à Agnès qui dactylographie nos textes...Et suite à plusieurs demandes, nous publions ci-dessous le TEXTE de ce spectacle :
CABANE : (Musique)
Laetitia :
Je suis venue au monde
J'ai été conçue, engendrée
Mes os se sont formés
Je suis née
Consignée au registre des naissances
J'ai grandi.
Julien :
J'ai commencé à gigoter
J'ai bougé certaines parties de mon corps
Articulé mon corps
Je me suis laissé manipuler
On m'a forcé à bouger
Je me suis mis à marcher
Et à jouer.
Claire :
J'ai remué les lèvres
J'ai découvert que j'existais
J'ai attiré l'attention sur moi
J'ai crié
J'ai commencé à parler
J'ai entendu des bruits
Laetitia :
J'ai reconnu les bruits
Claire :
J'ai émis des sons
J'ai pu parler
J'ai pu crier
J'ai pu me taire
Solène :
J'ai ouvert les yeux
J'ai vu des objets
J'ai regardé les objets qu'on me montrait
J'ai appris le nom de ces objets
J'ai appris
J'ai retenu
J'ai désigné les formes absentes
Laetitia :
J'ai appris à craindre
les formes absentes
Julien :
J'ai appris à dessiner
les formes absentes
Laetitia :
J'ai appris le sens du mot désir
et du mot effroi
Yan :
J'ai appris
J'ai appris les mots
J'ai appris les verbes
J'ai appris à ne pas confondre
Etre et avoir été
Julien :
J'ai appris à ne pas confondre
le singulier et le pluriel
Yan :
J'ai appris aussi à ne pas confondre
le mien et le tien
Martine :
Quant à moi, je suis devenue l'objet des phrases
Je suis devenue le complément des phrases
Je suis devenue l'objet
Kéo :
J'ai dit mon non
J'ai dit moi
J'ai appris à être quelqu'un d'autre (mettre la tête dans les mains après chaque phrase)
Laetitia :
J'ai appris à m'isoler
au fond du jardin
Julien :
J'ai appris à me protéger
dans les arbres (ballon poubelle)
Claire :
J'ai appris à éviter les coups
autrement
Solène :
J'ai appris le rêve dans les livres
Yan :
J'ai appris les secrets de l'enfance
en déambulant
Martine :
J'ai appris à regarder autre part
Kéo :
J'ai appris la liberté ailleurs
Danse Julien (Krawferk)
(Cabane, dehors, dedans, cabane) 3 fois face au public
Laetitia :
Cabane d'oiseaux
ou cabane de douche ?
Julien :
Cabane disparue
Claire :
Cabane de plage
ou cabane du dimanche ?
Julien :
Cabane en carton
Solène :
Cabane à frites ?
Yan :
Cabane d'enfer
ou cabane de rêve ?
Martine :
Cabane d'une nuit
ou cabane de toujours ?
Kéo :
Cabane à soupirs ?
Julien :
Non, cabane d'enfance
pour remettre de l'ordre
pour voir, sans être vu
perché dans les arbres
Pour qu'on s'inquiète un peu
Instant de répit
Martine :
Je mes souviens
C'était sous le pommier
ou sous le lit
ou sous les jupes de ma mère
j'étais princesse ou sorcière
je prenais le jour à pleines mains
et j'étais bien
A trop me retourner
j'ai vieilli
Odile :
Je me souviens, il fallait passer près de l'abri des chevaux, se faufiler sous le barbelé distendu par le poids de l'âne, il fallait apprivoiser les orties et là de l'autre côté, entre la ferme et le canal, il y avait ma cabane. Une niche de noisetiers, un fouillis de branches d'où je pouvais écouter les conversations étranges des éclusiers. Cabane de jeux, cabane de peu. Ma cabane devenait tour à tour, théâtre imaginaire, palais d'Orient, repaire de brigands, épicerie bien achalandée des goûters de ma mère et de caramels gagnants chapardés au comptoir. Il y avait quelque part, là-bas, un été de cassis et de trèfles à quatre feuilles, un été de collines arrondies et de terre argileuse, un été de rivières aux senteurs d'anis.
Ma cabane était protégée par un bouquet d'érables, doublée de lierres et fortifiée par les ronces. Sur l'un des troncs l'on pouvait lire, écrit au feutre rouge, le numéro 22, je crois.
Aujourd'hui les forestiers ont du s'occuper de cette parcelle, de cette boîte aux lettres, de cette cabane dont il me reste un souvenir familier, feutré, comme le chat qui caresse son dos à la reliure des livres.
Musique &endash; Mistral gagnant
Michèle :
Je viens de t'oublier une heure ou deux
J'étais occupée dans mes pensées
Superposer, ajouterÉécrouler
Compléter, élargir, démonter
Faire et refaire, c'est toujours s'occuper tu sais
Imaginer, créer, se planter
Recommencer, persister et entrevoir
Entrevoir le rêve et le laisser divaguer
Ce monde imaginaire et changeant vit en moi
il prend forme dans cet amas de cartons
draps et matériaux divers
Une petite porte, entre
pas besoin de fenêtre, il n'y a rien à voir,
Tout est à l'intérieur
le château, la diligence ou l'école,
C'est tout un monde peuplé
Que veux-tu, au 8ème étage d'un immeuble de banlieue,
coincée entre les lits et la table,
il faut bien vivre, amener les êtres magiques
qui viendront peupler la solitude et l'ennui
Les êtres familiers sont trop indifférents ou trop oppressants.
A peine embarquée au milieu de mes invités d'aventure, écoute,
j'entends un cri qui déchire l'airÉÉÉÉ
Kéo - A table !
Kéo :
Ma cabane à moi
C'étaient des bras tendus
le soleil
la différence
Danse Laetitia (Tiersen)
(Cabane, dedans, dehors cabane)
Laetitia :
Cabane
Cabane intérieure
dedans, presque dehors
j'ai encore la rage
mais pas celle qui fait baver
j'ai encore des images
mais pas celles qui font rêver
Mes yeux ont vu des choses interdites
Secret
Vendredi 13
Horizon
Blues
Défense d'entrer
mais volets ouverts
défense d'entrer
c'est toujours l'hiver
au fond de moi, c'est un domaine
cabane mondaine
Le château, le parc, l'étang, tout est à vendre
au fond de moi, la châtelaine a besoin de soleil
Alors, rendez-vous au clair de lune
pour un ultime credo
un cÏur est au rendez-vous
le mien, le vôtre
c'est colombine avec son loup
dedans, presque dehors.
Solène :
Dedans, presque dehors
mais ça se bouscule encore dans ma tête
il y a trop de gens qui dansent
et qui font la fête
les histoires se dessinent
les regards se déguisent
on ne soigne pas l'absence
avec du sparadrap
vous n'saurez rien
pas même son nom
il fait froid dans ma chambre
c'est encore un peu décembre
rien ne bouge pour éviter les courants d'air
Vous n'saurez rien
Pas même son nom
Rideau fermé
je peux vous prêter des mots
Mais il me faut trouver le langage qui soit source et delta
On ne soigne pas l'absence
avec du sparadrap.
Pascale :
Ma cabane intérieure est de bonne taille, blanche, mousseuse. C'est une boule chaude, douce, légère. Elle prend le soleil et boit l'air, elle hume la terre. Elle se moule sur les obstacles, mais reste solide, centrée sur son axe, avec un noyau dur.
Enveloppée de rosée, de l'air du matin, l'eau y ruisselle, les gouttes perlent. Elle murmure, elle gémit ou elle pleure. Elle sourit doucement comme une enfant. Elle respire à pleins poumons. Elle absorbe les chocs sans être détruite. Elle est en moi, elle me ressemble, elle est vivante. Elle est moi. Quand je quitterai la terre, elle s'envolera doucement vers le ciel, et taquinera les nuages.
Ma cabane est ouverte aux 4 Vents, et une bombe a explosé dedans. je dois réunir mes forces fiévreusement pour la reconstruire solidement.
Chut, ne le dites à personne
C'est mon secret.
Odile :
Cabane intérieure
Dedans, presque dehors, quelques mots échappés d'une intime confidence.
Je me souviens, c'était des baisers volés sur les chemins de halage entre pudeur et bavardage, des Ave Maria glanés sous les voûtes romanes, des jeux interdits dans les caves des cités, dans des wagons de chemin de fer oubliés près des gares, des kermesses improvisées près des lavoirs, c'étaient des rondes légères autour des feux de la St Jean ! C'était de l'espace pour courir, pour grandir. dedans, presque dehors, hirondelles échappées des clochers, amour possible, impossible, chaise vide pour une fête inachevée, applaudissements éphémères d'un mariage de patronage, les cris de Mandela pour la prière des loups, des poignards assassins, arrêt sur image / Quelques mots échappés d'une intime confidence. Prendre sur soi toute joie et toute tragédie, toute la douceur des bouquets du samedi s'ouvrir aux rivages peuplés, aux visages du rire et de la douleur. Draps blancs. C'est du désordre la douleur, ce n'est rien que cela à au fond !
Dedans, presque dehors !
Musique EXIL
Bougies allumées (Hubert)
Briquets
Chorégraphie
Fin de musique
Laetitia : chaos
Julien : désordre
Claire : expulsion
Solène : liberté
Yan : garde à vue
Michèle : errance
Martine : frontière
Kéo : partir
Hubert : vos papiers
Pascale : solitude
Yan : squatt
Odile :
J'ai trop marché sur les trottoirs
Mes pensées battent de l'aile
et font la moue
Pensées acidulées, hachurées, abîmées
cabossées, lézardées, chiffonnées,
je haine ma carcasse usée
sur les escaliers du vieux temple
J'ai trop marché sur les trottoirs
chaussures d'occasion
avec des sous d'occasion
pour des amours d'occasion
il est là, le lieu de mes laconiques
langueurs, au profond du soir, quand
le jour se fait tard et qu'il faut croire en soi !
j'ai trop marché sur les trottoirs
il pleut
et la solitude me tombe dessus
comme une pluie fine de banlieue
il est bien là le lieu de mes errances
dans le ruissellement.
Sudation froide des murs tagués
chute sèche de la goutte dans la cuvette émaillée
suintement de froideurs diverses
glace silencieuse entre ceux qui s'ignorent
crachotements de fumée écrasée
pâtes refroidies.
On est tous fils de pirates
dans ce maudit squatt
où les chiens rassurants
hurlent à la haine.
Arlequins guenilleux, à lècher l'alcool
sur le tranchant d'un godet de fortune
j'allais sous le ciel muse, et j'étais ton féal !
Pauvre Rimbaud !
Le hasard a bon dos, quand il est courbé
Et dans ce lieu maudit
il faut se méfier aussi de la nuit
elle a un faux air de contre-jour !
Peur,
peur des torches allumées, sur des rêves
bégayants à faire tomber dans le vide
tous les beaux contes de fée !
j'ai trop marché sur les trottoirs
et quand l'aube devient plus chaude
j'ai froid.
Julien :
Tout seul, c'est froid
Hubert :
Tout seul, sans toi ! j'aime pas c't'endroit. C'est plein de cafards, j'peux pas m'y faire à cette galère. Je rentre, je sors, j'en sors pas fier
Donne moi les clefs de ta maison
Pour une heure, ce sera la douche
Pour une nuit, ce sera le paradis
Pour une vie ! Non, rêve interdit
Donne moi quelque chose, je ne me sens pas bien. Je suis hors circuit, hors jeu, hors piste, en touche. Pas une main qui se pose sur moi
Laetitia :
Tout sale, c'est froid
Michèle :
Carrelage, cartons, poubelles,
salle des pas perdus, c'est pas fait pour des robes en dentelle !
Martine :
Tous ces regards, c'est froid
Yan :
Tout ce gâchis, c'est froid
Solène :
Pourquoi nous ?
Hubert :
Si on m'avait dit quand j'suis né, qu'il n'y aurait que des ratios et qu'on serait jamais égaux, j'serai resté au chaud !
Laetitia :
Et moi si on m'avait dit É !
Mesdames, Messieurs, je vais vous faire une confidence.
Cette vie là on ne l'a pas choisie et on ne veut plus être aveugle.
Sous les lampions de la fête, nous c'qu'on veut, c'est le retour en fanfare de nos petites vies, c'est tout simplement partir en vacances au bord de la mer.
Martine :
Alors, on y va !
Yan :
Attendez ne partez pas, j'ai quelque chose à vous dire ! Vous savez la rue c'est froid, même à Nice sous un soleil plombant ! et c'est un peu mon histoire. La route, à nouveau ! j'allais souvent à la plage le matin, pour me baigner dans cette mer agitée.
Comme d'habitude depuis quelques semaines, un sentiment de honte et de tristesse montait en moi, incontrôlable, surtout au réveil. Solitude. Je squattais dans un immeuble qui sentait le renfermé et l'urine. A vrai dire cela ne me dérangeait pas tellement, question d'habitude. J'allais donc récupérer mon sommeil chaque matin sur la plage, le dos nu contre le sable. Je me faisais remarquer avec mes odeurs de pieds et ma serviette de bain absente.
Autour de moi j'entendais rire et des regards moqueurs me cinglaient le visage. La route, toujours la route ! J'allais évacuer toutes ces odeurs dans l'eau froide. J'aime pas l'eau froide ! Quelques courants d'eau tiède me réchauffaient. Je partais ensuite parfumé d'eau salée sur mon corps qui me grattait un peu. De temps en temps, j'allais au centre commercial voler une tablette de chocolat et une bouteille d'eau que je glissais dans mon sac. A chaque fois, je me disais, c'est la dernière fois, car les types de la sécurité avaient l'Ïil, et rarement le bon ! Le soir je faisais les invendus des boulangeries et à nouveau la nuit, la peur, la solitude, les odeurs.
Un matin, j'ai pris le train pour la Bretagne, sans billet, caché dans les toilettes, la porte entr'ouverte vers d'autres aventures.
La route à nouveau !
Laetitia : (récupère sa poupée)
Tu sais Yan,
Je suis venue au monde
J'ai traversé le monde
Maintenant je peux l'écorcher
Les fruits seront beauxJulien :
Je me suis mis à marcher
Et à jouer avec le hasard
et les interdits.Claire :
J'ai remué les lèvres
j'ai commencé à parler
et je n'ai dit que des mots d'amour
Solène :
J'ai ouvert les yeux
J'ai vu le ciel
Le pré sous la pluie
la terre
Yan :
Moi, j'ai appris. j'ai appris les mots. Les mots que l'on tait, les mots que l'on crie !
Martine :
Je suis devenue l'objet des phrases
Je suis devenue le complément des phrases
Je peux maintenant conjuguer
au futur simple.
Kéo :
J'ai dit mon nom
le tien aussi
j'ai osé !
Julien :
Dis, pourquoi tu pleures ?
Laetitia :
Parce que le ciel est bleu
C'est une main d'enfant
Qui a du le colorier !
Fin - Salut.