"Cabane"

Spectacle 2006 de l'atelier théâtre de SAML

Nouvelle représentation le Vendredi 7 Juillet 2006 à 19h30 à l'église Saint-Polycarpe (35 rue René Leynaud 69001)


CABANE est un spectacle écrit et réalisé par la troupe

de l'atelier théâtre de S.A.M.L. (Soins et Accueil des Monts du Lyonnais), clinique psychiatrique de l'Ouest lyonnais.


De la cabane d'enfance au squat en passant par la cabane intérieure de chacun, cette balade poétique nous livre des mots

d'une intime confidence.

Mots de souffrance, d'errance, de parcours de vie parfois douloureux,

de partage, de vérité.

 

C 'est une invitation culturelle et émotionnelle hors les murs,

 

DEDANS............. presque............ DEHORS



Une scène du spectacle (Photo : Alizée DelPietro)

 

Fonctionnement hebdomadaire de l'atelier : Odile Collin, assistée de Michèle Perrachon.
Autres intervenants sur le spectacle : Pascale Montagnon & Hubert Payan.
(NB : La loi interdit désormais de communiquer les noms des patients participants)
Régie : Jean-Louis Berger.
Merci à Agnès qui dactylographie nos textes...

Et suite à plusieurs demandes, nous publions ci-dessous le TEXTE de ce spectacle :


CABANE :

(Musique)

Laetitia :

Je suis venue au monde

J'ai été conçue, engendrée

Mes os se sont formés

Je suis née

Consignée au registre des naissances

J'ai grandi.

 

Julien :

J'ai commencé à gigoter

J'ai bougé certaines parties de mon corps

Articulé mon corps

Je me suis laissé manipuler

On m'a forcé à bouger

Je me suis mis à marcher

Et à jouer.

 

Claire :

J'ai remué les lèvres

J'ai découvert que j'existais

J'ai attiré l'attention sur moi

J'ai crié

J'ai commencé à parler

J'ai entendu des bruits

 

Laetitia :

J'ai reconnu les bruits

 

Claire :

J'ai émis des sons

J'ai pu parler

J'ai pu crier

J'ai pu me taire

 

Solène :

J'ai ouvert les yeux

J'ai vu des objets

J'ai regardé les objets qu'on me montrait

J'ai appris le nom de ces objets

J'ai appris

J'ai retenu

J'ai désigné les formes absentes

 

Laetitia :

J'ai appris à craindre

les formes absentes

 

Julien :

J'ai appris à dessiner

les formes absentes

 

Laetitia :

J'ai appris le sens du mot désir

et du mot effroi

 

Yan :

J'ai appris

J'ai appris les mots

J'ai appris les verbes

J'ai appris à ne pas confondre

Etre et avoir été

 

Julien :

J'ai appris à ne pas confondre

le singulier et le pluriel

 

Yan :

J'ai appris aussi à ne pas confondre

le mien et le tien

 

Martine :

Quant à moi, je suis devenue l'objet des phrases

Je suis devenue le complément des phrases

Je suis devenue l'objet

 

Kéo :

J'ai dit mon non

J'ai dit moi

J'ai appris à être quelqu'un d'autre (mettre la tête dans les mains après chaque phrase)

 

 

Laetitia :

J'ai appris à m'isoler

au fond du jardin

 

Julien :

J'ai appris à me protéger

dans les arbres (ballon poubelle)

 

Claire :

J'ai appris à éviter les coups

autrement

 

Solène :

J'ai appris le rêve dans les livres

 

Yan :

J'ai appris les secrets de l'enfance

en déambulant

 

Martine :

J'ai appris à regarder autre part

 

Kéo :

J'ai appris la liberté ailleurs

 

Danse Julien (Krawferk)

(Cabane, dehors, dedans, cabane) 3 fois face au public

 

Laetitia :

Cabane d'oiseaux

ou cabane de douche ?

 

Julien :

Cabane disparue

 

Claire :

Cabane de plage

ou cabane du dimanche ?

 

Julien :

Cabane en carton

 

Solène :

Cabane à frites ?

 

Yan :

Cabane d'enfer

ou cabane de rêve ?

 

Martine :

Cabane d'une nuit

ou cabane de toujours ?

 

Kéo :

Cabane à soupirs ?

 

Julien :

Non, cabane d'enfance

pour remettre de l'ordre

pour voir, sans être vu

perché dans les arbres

Pour qu'on s'inquiète un peu

Instant de répit

 

Martine :

Je mes souviens

C'était sous le pommier

ou sous le lit

ou sous les jupes de ma mère

j'étais princesse ou sorcière

je prenais le jour à pleines mains

et j'étais bien

A trop me retourner

j'ai vieilli

 

Odile :

Je me souviens, il fallait passer près de l'abri des chevaux, se faufiler sous le barbelé distendu par le poids de l'âne, il fallait apprivoiser les orties et là de l'autre côté, entre la ferme et le canal, il y avait ma cabane. Une niche de noisetiers, un fouillis de branches d'où je pouvais écouter les conversations étranges des éclusiers. Cabane de jeux, cabane de peu. Ma cabane devenait tour à tour, théâtre imaginaire, palais d'Orient, repaire de brigands, épicerie bien achalandée des goûters de ma mère et de caramels gagnants chapardés au comptoir. Il y avait quelque part, là-bas, un été de cassis et de trèfles à quatre feuilles, un été de collines arrondies et de terre argileuse, un été de rivières aux senteurs d'anis.

Ma cabane était protégée par un bouquet d'érables, doublée de lierres et fortifiée par les ronces. Sur l'un des troncs l'on pouvait lire, écrit au feutre rouge, le numéro 22, je crois.

Aujourd'hui les forestiers ont du s'occuper de cette parcelle, de cette boîte aux lettres, de cette cabane dont il me reste un souvenir familier, feutré, comme le chat qui caresse son dos à la reliure des livres.

 

Musique &endash; Mistral gagnant

 

Michèle :

Je viens de t'oublier une heure ou deux

J'étais occupée dans mes pensées

Superposer, ajouterÉécrouler

Compléter, élargir, démonter

Faire et refaire, c'est toujours s'occuper tu sais

Imaginer, créer, se planter

Recommencer, persister et entrevoir

Entrevoir le rêve et le laisser divaguer

Ce monde imaginaire et changeant vit en moi

il prend forme dans cet amas de cartons

draps et matériaux divers

Une petite porte, entre

pas besoin de fenêtre, il n'y a rien à voir,

Tout est à l'intérieur

le château, la diligence ou l'école,

C'est tout un monde peuplé

Que veux-tu, au 8ème étage d'un immeuble de banlieue,

coincée entre les lits et la table,

il faut bien vivre, amener les êtres magiques

qui viendront peupler la solitude et l'ennui

Les êtres familiers sont trop indifférents ou trop oppressants.

 

A peine embarquée au milieu de mes invités d'aventure, écoute,

j'entends un cri qui déchire l'airÉÉÉÉ

 

Kéo - A table !

 

Kéo :

Ma cabane à moi

C'étaient des bras tendus

le soleil

la différence

 

Danse Laetitia (Tiersen)

(Cabane, dedans, dehors cabane)

 

Laetitia :

Cabane

Cabane intérieure

dedans, presque dehors

j'ai encore la rage

mais pas celle qui fait baver

j'ai encore des images

mais pas celles qui font rêver

Mes yeux ont vu des choses interdites

Secret

Vendredi 13

Horizon

Blues

Défense d'entrer

mais volets ouverts

défense d'entrer

c'est toujours l'hiver

au fond de moi, c'est un domaine

cabane mondaine

 

Le château, le parc, l'étang, tout est à vendre

au fond de moi, la châtelaine a besoin de soleil

Alors, rendez-vous au clair de lune

pour un ultime credo

un cÏur est au rendez-vous

le mien, le vôtre

c'est colombine avec son loup

dedans, presque dehors.

 

Solène :

Dedans, presque dehors

mais ça se bouscule encore dans ma tête

il y a trop de gens qui dansent

et qui font la fête

les histoires se dessinent

les regards se déguisent

on ne soigne pas l'absence

avec du sparadrap

vous n'saurez rien

pas même son nom

il fait froid dans ma chambre

c'est encore un peu décembre

rien ne bouge pour éviter les courants d'air

Vous n'saurez rien

Pas même son nom

Rideau fermé

je peux vous prêter des mots

Mais il me faut trouver le langage qui soit source et delta

On ne soigne pas l'absence

avec du sparadrap.

 

Pascale :

Ma cabane intérieure est de bonne taille, blanche, mousseuse. C'est une boule chaude, douce, légère. Elle prend le soleil et boit l'air, elle hume la terre. Elle se moule sur les obstacles, mais reste solide, centrée sur son axe, avec un noyau dur.

Enveloppée de rosée, de l'air du matin, l'eau y ruisselle, les gouttes perlent. Elle murmure, elle gémit ou elle pleure. Elle sourit doucement comme une enfant. Elle respire à pleins poumons. Elle absorbe les chocs sans être détruite. Elle est en moi, elle me ressemble, elle est vivante. Elle est moi. Quand je quitterai la terre, elle s'envolera doucement vers le ciel, et taquinera les nuages.

Ma cabane est ouverte aux 4 Vents, et une bombe a explosé dedans. je dois réunir mes forces fiévreusement pour la reconstruire solidement.

Chut, ne le dites à personne

C'est mon secret.

 

Odile :

Cabane intérieure

Dedans, presque dehors, quelques mots échappés d'une intime confidence.

Je me souviens, c'était des baisers volés sur les chemins de halage entre pudeur et bavardage, des Ave Maria glanés sous les voûtes romanes, des jeux interdits dans les caves des cités, dans des wagons de chemin de fer oubliés près des gares, des kermesses improvisées près des lavoirs, c'étaient des rondes légères autour des feux de la St Jean ! C'était de l'espace pour courir, pour grandir. dedans, presque dehors, hirondelles échappées des clochers, amour possible, impossible, chaise vide pour une fête inachevée, applaudissements éphémères d'un mariage de patronage, les cris de Mandela pour la prière des loups, des poignards assassins, arrêt sur image / Quelques mots échappés d'une intime confidence. Prendre sur soi toute joie et toute tragédie, toute la douceur des bouquets du samedi s'ouvrir aux rivages peuplés, aux visages du rire et de la douleur. Draps blancs. C'est du désordre la douleur, ce n'est rien que cela à au fond !

Dedans, presque dehors !

 

Musique EXIL

 

Bougies allumées (Hubert)

Briquets

 

Chorégraphie

Fin de musique

 

Laetitia : chaos

Julien : désordre

Claire : expulsion

Solène : liberté

Yan : garde à vue

Michèle : errance

Martine : frontière

Kéo : partir

Hubert : vos papiers

Pascale : solitude

Yan : squatt

 

Odile :

J'ai trop marché sur les trottoirs

Mes pensées battent de l'aile

et font la moue

Pensées acidulées, hachurées, abîmées

cabossées, lézardées, chiffonnées,

je haine ma carcasse usée

sur les escaliers du vieux temple

J'ai trop marché sur les trottoirs

chaussures d'occasion

avec des sous d'occasion

pour des amours d'occasion

il est là, le lieu de mes laconiques

langueurs, au profond du soir, quand

le jour se fait tard et qu'il faut croire en soi !

j'ai trop marché sur les trottoirs

il pleut

et la solitude me tombe dessus

comme une pluie fine de banlieue

il est bien là le lieu de mes errances

dans le ruissellement.

Sudation froide des murs tagués

chute sèche de la goutte dans la cuvette émaillée

suintement de froideurs diverses

glace silencieuse entre ceux qui s'ignorent

crachotements de fumée écrasée

pâtes refroidies.

On est tous fils de pirates

dans ce maudit squatt

où les chiens rassurants

hurlent à la haine.

Arlequins guenilleux, à lècher l'alcool

sur le tranchant d'un godet de fortune

j'allais sous le ciel muse, et j'étais ton féal !

Pauvre Rimbaud !

Le hasard a bon dos, quand il est courbé

Et dans ce lieu maudit

il faut se méfier aussi de la nuit

elle a un faux air de contre-jour !

 

Peur,

peur des torches allumées, sur des rêves

bégayants à faire tomber dans le vide

tous les beaux contes de fée !

j'ai trop marché sur les trottoirs

et quand l'aube devient plus chaude

j'ai froid.

 

Julien :

Tout seul, c'est froid

 

Hubert :

Tout seul, sans toi ! j'aime pas c't'endroit. C'est plein de cafards, j'peux pas m'y faire à cette galère. Je rentre, je sors, j'en sors pas fier

Donne moi les clefs de ta maison

Pour une heure, ce sera la douche

Pour une nuit, ce sera le paradis

Pour une vie ! Non, rêve interdit

 

Donne moi quelque chose, je ne me sens pas bien. Je suis hors circuit, hors jeu, hors piste, en touche. Pas une main qui se pose sur moi

 

Laetitia :

Tout sale, c'est froid

 

Michèle :

Carrelage, cartons, poubelles,

salle des pas perdus, c'est pas fait pour des robes en dentelle !

 

Martine :

Tous ces regards, c'est froid

 

Yan :

Tout ce gâchis, c'est froid

 

Solène :

Pourquoi nous ?

 

Hubert :

Si on m'avait dit quand j'suis né, qu'il n'y aurait que des ratios et qu'on serait jamais égaux, j'serai resté au chaud !

 

Laetitia :

Et moi si on m'avait dit É !

Mesdames, Messieurs, je vais vous faire une confidence.

Cette vie là on ne l'a pas choisie et on ne veut plus être aveugle.

Sous les lampions de la fête, nous c'qu'on veut, c'est le retour en fanfare de nos petites vies, c'est tout simplement partir en vacances au bord de la mer.

 

Martine :

Alors, on y va !

 

Yan :

Attendez ne partez pas, j'ai quelque chose à vous dire ! Vous savez la rue c'est froid, même à Nice sous un soleil plombant ! et c'est un peu mon histoire. La route, à nouveau ! j'allais souvent à la plage le matin, pour me baigner dans cette mer agitée.

Comme d'habitude depuis quelques semaines, un sentiment de honte et de tristesse montait en moi, incontrôlable, surtout au réveil. Solitude. Je squattais dans un immeuble qui sentait le renfermé et l'urine. A vrai dire cela ne me dérangeait pas tellement, question d'habitude. J'allais donc récupérer mon sommeil chaque matin sur la plage, le dos nu contre le sable. Je me faisais remarquer avec mes odeurs de pieds et ma serviette de bain absente.

Autour de moi j'entendais rire et des regards moqueurs me cinglaient le visage. La route, toujours la route ! J'allais évacuer toutes ces odeurs dans l'eau froide. J'aime pas l'eau froide ! Quelques courants d'eau tiède me réchauffaient. Je partais ensuite parfumé d'eau salée sur mon corps qui me grattait un peu. De temps en temps, j'allais au centre commercial voler une tablette de chocolat et une bouteille d'eau que je glissais dans mon sac. A chaque fois, je me disais, c'est la dernière fois, car les types de la sécurité avaient l'Ïil, et rarement le bon ! Le soir je faisais les invendus des boulangeries et à nouveau la nuit, la peur, la solitude, les odeurs.

 

Un matin, j'ai pris le train pour la Bretagne, sans billet, caché dans les toilettes, la porte entr'ouverte vers d'autres aventures.

La route à nouveau !

 

Laetitia : (récupère sa poupée)

Tu sais Yan,

Je suis venue au monde

J'ai traversé le monde

Maintenant je peux l'écorcher

Les fruits seront beauxJulien :

 

Je me suis mis à marcher

Et à jouer avec le hasard

et les interdits.Claire :

 

J'ai remué les lèvres

j'ai commencé à parler

et je n'ai dit que des mots d'amour

 

Solène :

J'ai ouvert les yeux

J'ai vu le ciel

Le pré sous la pluie

la terre

 

Yan :

Moi, j'ai appris. j'ai appris les mots. Les mots que l'on tait, les mots que l'on crie !

 

Martine :

Je suis devenue l'objet des phrases

Je suis devenue le complément des phrases

Je peux maintenant conjuguer

au futur simple.

 

Kéo :

J'ai dit mon nom

le tien aussi

j'ai osé !

 

Julien :

Dis, pourquoi tu pleures ?

 

Laetitia :

Parce que le ciel est bleu

C'est une main d'enfant

Qui a du le colorier !

 

Fin - Salut.


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